Les cuirs vegan : quoi choisir ?

Voilà une dizaine d’années que je n’ai plus acheté de cuir animal de première main. Ce choix s’appuie sur des raisons éthiques et écologiques, mais il a parfois été questionné par d’autres réflexions transverses sur l’impact réel des alternatives proposées. Aaah qu’il est long et difficile le chemin de celle ou de celui qui cherche à mieux faire ! La complexité des enjeux amène des questionnements sans fin et des calculs de cycle de vie que, bien souvent, nous ne sommes pas en capacité de faire.

Cyrielle, la fondatrice de ZEBRA, une boutique en ligne multi-marques engagée proposant des chaussures et des sacs vegan de marques éthiques et responsables, m’a écrit il y a quelques mois pour me proposer de parler de sa démarche. Mais vous l’aurez compris, parler de cuirs vegan sans rattacher le sujet à toutes les remises en question qu’il suscite chez moi, me paraissait incomplet et quelque peu malhonnête ! À l’image des marques dont je choisis de présenter la démarche, celle de Cyrielle est profondément consciente et renseignée. Elle a tout de suite accepté que je présente mes réflexions dans un article nuancé et détaillé.

Que choisir ? Le cuir animal est-il une solution écologique ? Quelle est la vérité derrière la production de ces cuirs vegan dont on nous vante les mérites ? Quelle est l’alternative la plus écologique ? À quoi faut-il faire attention, et quelles sont les questions à se poser ?

Je vais tenter dans cet article de rassembler les questionnements et les réponses auxquels j’ai pu aboutir ces dernières années. J’espère que cela vous permettra de repartir avec quelques clés de compréhension pour faciliter vos choix et réflexions. Plongeons dans le monde mystérieux des cuirs vegan !

Pourquoi chercher à éviter le cuir animal ?

Commençons par le commencement : pourquoi faire le choix de ne plus acheter de cuir animal de première main ?

Il s’agit évidemment d’un choix personnel, mené par toutes sortes de réflexions éthiques et écologiques.

L’impact éthique et environnemental du cuir

Je suis végétarienne depuis une dizaine d’années. Je ne souhaite donc pas soutenir l’industrie de la viande qui fonctionne main dans la main avec celle du cuir. Même si l’on pourrait penser que les peaux sont des « déchets » de l’industrie de la viande, la réalité est en fait bien plus complexe. Le commerce des peaux animales, sous-produit de l’élevage, représente une part importante des revenus de celui-ci. Il soutient donc financièrement, qu’on le veuille ou non, ces pratiques d’élevage sur lesquelles le consommateur n’a que peu de visu (et qui sont souvent intolérables).

D’un point de vue environnemental, plus de 250 produits chimiques sont nécessaires pour traiter les peaux, dont certains hautement toxiques (chrome VI, formaldéhyde, mercure, cyanure ou arsenic). En 2016, l’ONG Pure Earth a établi un rapport plaçant les tanneries en 4ème position dans son top 10 des industries les plus toxiques au monde. Les produits chimiques se déversent dans les sols et les eaux qui sont ensuite utilisés par les populations locales. Des troubles et maladies graves peuvent en résulter. L’usage de certains produits est d’ailleurs interdite en Europe. Ce sont les pays asiatiques, souvent moins réglementés et encadrés, qui ont l’apanage de leurs conséquences désastreuses.

À cette pollution chimique s’ajoute celles directement liées à l’élevage : pollution aux nitrates, rejet de méthane, déforestation massive pour la création d’immenses exploitations de soja destinées à l’alimentation animale (80 % de la forêt amazonienne aujourd’hui abattue l’est pour l’industrie de la viande et du cuir selon un rapport Greenpeace), importantes quantités d’eau et de denrées alimentaires, etc.

Des alternatives « propres » ?

Si vous faites le choix de continuer à acheter des produits en cuir animal de première main, veillez tout de même à mieux le choisir pour ne pas soutenir des pratiques d’élevage intolérables, ainsi que des procédés de fabrication dévastateurs.

Veillez à choisir du cuir au tannage végétal plutôt que chimique pour limiter son impact écologique, veillez à bien vous renseigner sur la démarche de la marque et sa transparence tout au long de sa chaîne de production, et intéressez-vous au cuir recyclé (qui contient cela dit une part de matériaux synthétiques) ou aux marques valorisant le cuir upcyclé.

De plus, si la question « animale » n’est pas un sujet pour vous, vous pouvez aussi vous renseigner sur le cuir de poisson : quels traitements des peaux ? quel type de pêche ? quel type d’élevage ? etc.

Faire le choix d’un cuir vegan

Nous y voilà. Quand on boycotte l’industrie du cuir et qu’on refuse d’acheter du cuir animal de première main, même upcyclé, on se tourne rapidement vers les nombreuses alternatives vegan qui existent sur le marché. Ananas, raisin, pomme… Comme l’impression, de prime abord, qu’il n’existe que des solutions parfaites à base de végétal ! Le marketing souvent trompeur autour de ces matières n’aide pas. Et c’est bien pour cela que je salue Cyrielle, la fondatrice de ZEBRA, de me laisser aborder ce sujet avec autant de transparence !

Vous le comprendrez rapidement, les alternatives au cuir se passent difficilement des matériaux synthétiques. En plus de puiser dans les ressources en pétrole et de représenter un problème au moment de leur dégradation en fin de vie, ce sont bien souvent des matériaux complexes à fabriquer, nécessitant des équipements de haute technologie et beaucoup d’énergie.

Vous êtes prêt.e.s pour un petit décryptage des alternatives existantes ? C’est parti mon kiki !

Les cuirs synthétiques

Le polyuréthane est de loin l’alternative la plus représentée sur le marché des chaussures et des sacs vegan ! Pas étonnant, c’est une matière avec beaucoup de qualités : peu chère, imperméable, souple, plutôt robuste.

Une solution 100 % plastique… Et qui dit plastique, dit ressource non renouvelable et limitée.

Et puis les faits sont là : le polyuréthane s’abîme avec le temps. Garder un sac ou un portefeuille en polyuréthane plus de 10 ans, et en parfait état de surcroît, relève de l’impossible ou demande des prouesses de précautions.

Bien sûr, si on choisit une marque consciencieuse et qui, en plus, choisit de travailler avec un « éco-polyuréthane », censé être plus durable et moins toxique, le produit durera sûrement davantage dans le temps. Mais il faut puiser dans les réserves de pétrole, appelées à manquer, et ça, ça n’a rien de durable.

Parmi les alternatives synthétiques, on retrouve également la microfibre, souvent présentée comme une solution plus durable que le polyuréthane, car plus robuste. Il s’agit d’une fibre la plupart du temps 100 % synthétique, habituellement un mélange de nylon et de polyester. Certaines microfibres présentent un mélange de coton et de polyester, mais leur empreinte écologique n’est pas forcément plus faible : elle dépend beaucoup de la culture du coton (usage des pesticides et de l’eau) qui reste généralement une inconnue pour le consommateur (et même pour la marque fabricante elle-même).


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Le liège

Le liège, quand on s’intéresse aux marques éthiques qui l’utilisent, est souvent issu de chênes portugais, gérés durablement et travaillé avec le savoir-faire du pays. La proximité de la matière première et du lieu de fabrication est un de ses atouts indéniables.

La récolte du liège est extrêmement réglementée et se fait de façon écologique. Les arbres sont soumis à une simple technique d’écorçage qui ne nécessite pas d’élaguer et n’endommage pas les chênes. La première récolte se produit quand le chêne-liège a 25 ans et se répète ensuite tous les 9 ans (le temps que les arbres régénèrent leur écorce). On extrait encore aujourd’hui l’écorce d’arbres vieux de plus de 500 ans !

Recyclable et biodégradable, le liège est un matériau propre qui se dégrade sans laisser de résidus toxiques. C’est une belle matière, oui, mais voilà : le diable est dans les détails ! Le liège a besoin d’un support pour se tenir, et ce support est la majorité du temps textile (polyester, coton, lin, chanvre…) ou en polyuréthane. En fonction de la nature du support choisi par la marque pour la fabrication, l’impact écologique du produit final n’est pas du tout le même, surtout que le rapport liège/support est environ de 50/50. Le problème, c’est qu’on n’a que très rarement d’informations sur ce support textile !


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Le Piñatex ou cuir d’ananas

Le Piñatex est pour moi l’une des alternatives les plus vertueuses. C’est un matériau fabriqué à partir de fibre de feuilles d’ananas, d’ordinaire brûlées, car d’aucune utilité pour les fermes récoltantes. Le procédé de fabrication du matériau est à la base mécanique avec le séchage et le pressage des feuilles, mais devient chimique et beaucoup plus technique dans un second temps avec l’introduction de matières synthétiques servant de liant.

Important à connaître : Piñatex est l’une des rares alternatives à communiquer précisément sur sa composition, ce qui démontre une réelle volonté de transparence !

Composition :

  • 72 % de fibres de feuilles d’ananas
  • 18 % de PLA (bioplastique issu de l’amidon de maïs)
  • 5 % de bio-polyuréthane (fabriqué à partir de végétal et non d’hydrocarbures)
  • 5 % de polyuréthane

Le Piñatex est l’une des solutions vegan les plus écologiques du marché avec cette proportion plutôt faible de matériaux synthétiques dans sa composition (95% d’origine végétale et seulement 5% issu du pétrole). Il a de plus été testé par l’Institut indépendant pour le cuir et le cuir synthétique en Allemagne dont l’analyse conclut qu’il est aussi résistant à la charge et aux plis à répétition que le cuir animal.


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Le cuir de maïs

Le cuir de maïs est fabriqué à partir de déchets de maïs et d’une part assez importante de matériau synthétique en fonction de la technologie choisie.

Composition :

  • 30-50 % de maïs
  • 50-70 % de polyuréthane

Parfois, le polyuréthane est lui-même en partie biosourcé, ce qui augmente la part d’origine naturelle du matériau et limite donc le recours aux hydrocarbures (mais ne change rien à sa dégradation).


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Le cuir de papier

Le « cuir de papier » est une option intéressante avec une part synthétique dans sa composition relativement faible. Son aspect n’est pas semblable à celui du cuir animal, il faut donc en apprécier l’esthétique.

Composition :

  • 70-75 % de papier (issu de forêts certifiées FSC)
  • 25-30 % de latex synthétique fabriqué en Allemagne

Contrairement aux idées reçues, c’est un matériau extrêmement solide et résistant qui renforce son imperméabilité au contact de l’eau. Plus il prend l’eau, plus il se renforce !

Le cuir de champignons, ou Muskin

Le Muskin est l’une des options les plus vertueuses, puisqu’elle est 100 % végétale !

Le matériau est fabriqué à partir d’un champignon parasite des arbres des forêts subtropicales, le Phellinus ellipsoideus. Il ne contient aucune autre substance chimique ou synthétique.

Il est solide et résistant, mais son esthétique reste particulière et ne sera peut-être pas du goût de tout le monde !

Le producteur précise cependant qu’il peut être nécessaire d’y adjoindre une sous-couche textile/un support pour renforcer sa solidité. Difficile de trouver des produits finis l’utilisant pour savoir ce qu’il en est dans les faits.

Le cuir de pomme, ou Apple Skin

Le cuir de pomme est très à la mode, on en parle beaucoup et ses mérites sont souvent vantés. En premier lieu pour son aspect très similaire à du cuir animal. Il s’agit d’un matériau fabriqué en Italie à partir de déchets de pommes issues de l’industrie agro-alimentaire. Oui, mais pas seulement !

Composition dans le meilleur des cas :

  • 50 % de résidus de l’industrie de la pomme
  • 50 % de polyuréthane

En fonction de l’aspect souhaité, la part des résidus de pomme peut varier dans la composition, allant de 50 % dans le meilleur des cas à moins de 20 %.

La matière a également besoin d’un support pour se tenir, constitué le plus souvent de polyester et coton.


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Le cuir de cactus, ou Desserto

Le cuir de cactus est un matériau assez récent développé au Mexique à partir de feuilles matures du cactus. La récolte se répète tous les 6 à 8 mois sans endommager la plante.

Un des principaux avantages de cette plante est qu’elle a besoin de très peu d’eau pour pousser et s’épanouir. Aucun système d’irrigation n’est nécessaire, le cactus se contente de l’eau de pluie. Une grosse partie du Desserto est fabriquée au Mexique mais les phases finales de production tendent, pour certains modèles, à se rapprocher du marché européen (notamment en Italie).

C’est un matériau annoncé comme offrant une haute résistance à l’abrasion, au frottement, à la déchirure, et à la traction.

Cette matière organique est mélangée à du bio-PU, mais les proportions ne sont malheureusement pas fournies par le producteur qui manque de transparence.

Il est simplement indiqué que la composition des « cuirs » Desserto va jusqu’à 65% de matière issue du végétal, ceci comprenant la poudre de cactus, les éventuelles huiles végétales et le bio-plastique rentrant dans la composition du bio-polyuréthane (les 35% restant étant donc issus du pétrole).

La matière a également besoin d’un support pour se tenir, constitué le plus souvent de 65 % polyester et 35 % coton.


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Le cuir de raisin, ou Vegea

Le cuir de raisin est fabriqué en Italie à partir des résidus des vendanges qui ne peuvent être utilisés. C’est ce qu’on appelle en viticulture le marc de raisin : la peau des raisins, les pépins, les branches ou les tiges.

Composition :

  • 55 % de marc de raisins et huile végétale
  • 45 % polyuréthane à base d’eau (c’est moins toxique et fabriqué sans solvant polluant)

Le cuir de raisin a besoin lui aussi d’un support pour se tenir, qui est plutôt intéressant puisqu’il s’agit de polyester recyclé.


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Les alternatives recyclées et recyclables

Des marques prennent le parti de concevoir leurs produits avec des matières synthétiques (voire naturelles !) recyclées. Cela permet de limiter l’usage de nouvelles ressources.

D’autres inscrivent leurs produits dans un cercle de production-recyclage-production, en pensant le produit dès le départ pour qu’il soit facilement recyclé et que ses matériaux puissent être réemployés. De nombreuses marques vendues sur Zebra Vegan Shop proposent par exemple de récupérer les paires usées afin d’en gérer elles-mêmes la fin de vie !

Le Seaqual est un exemple intéressant, constitué de polyester recyclé à 100 %. Son approvisionnement en matière provient à 10 % de déchets des océans (filets de pêche, bouteilles en plastique récupérées dans les océans, etc.). C’est un matériau labellisé GRS, garantissant qu’il est issu a minima de 50 % de fibres recyclées, et que les conditions sociales et environnementales tout au long de sa chaîne de production correspondent au cahier des charges du label.


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Le textile

Le textile reste une option intéressante pour contourner le cuir, que ce soit pour des chaussures, des sacs ou des manteaux.

L’impact écologique des produits textiles dépendra de la matière utilisée évidemment (on peut retrouver des chaussures en lin français comme des chaussures en polyester), ainsi que des traitements qu’ils auront reçus. Les textiles à favoriser : le lin, le chanvre, le coton bio, le polyester recyclé.

Le recyclage semble aussi plus évident avec ce genre de solutions. Les matériaux complexes des cuirs vegan, au contraire, et à moins d’être conçus dès le départ avec un plan pour leur fin de vie, sont aujourd’hui, pour la plupart, impossibles à recycler.

Conclusion

Aïe aïe aïe, on sort de là avec un vrai mal de tête ! Comme toujours, tout se nuance et rien n’est tout blanc ou tout noir.

Lorsqu’il n’existe pas de solution parfaite, voici la règle à suivre :

  • Choisir une option que l’on va aimer et garder longtemps
  • Choisir une option de bonne qualité qui va durer dans le temps, et en prendre soin
  • Choisir une option qui a été fabriquée dans de bonnes conditions afin de soutenir la démarche d’une marque engagée
  • Se tourner vers la seconde main, pour trouver une alternative en cuir vegan ou bien en cuir animal si cela nous convient davantage.

Le tout est de trouver les options qui nous correspondent le mieux en terme d’esthétisme, de durabilité, et de composition. Avec tous les outils que nous avons désormais, on pourra faire des choix, peut-être imparfaits, mais conscients. Et c’est bien là le plus important !

Gare au marketing qui est parfois trompeur et qui omet bien souvent une part de la réalité… Gardons cependant un œil sur les innovations qui pourraient bien un jour apporter une solution satisfaisante en tout point !

Zebra Vegan Shop rassemble des marques engagées qui croient dur comme fer en leurs solutions. Sans parler d’être « parfaites », elles s’attachent à produire en Europe (parfois en France !) dans de bonnes conditions sociales et environnementales. Si vous cherchez un sac ou des baskets vegan, c’est par là que ça se passe 🙂

Alors, vous choisissez quelle option ?

*** Céline ***

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1 commentaire sur “Les cuirs vegan : quoi choisir ?

  1. Merci pour ton article. Non il n’y a pas encore de solution parfaite, le mieux est de ne pas surconsommer et de réfléchir à nos achats avec bienveillance.

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