Homo Deus de Yuval Noah Harari, chronique d’une mort annoncée

homo deus breve histoire avenir

C’est en écoutant Yuval Noah Harari sur France Inter la semaine dernière que je me suis souvenue de l’article que je vous avais rédigé quelques mois auparavant. J’ai lu son dernier ouvrage, Homo Deus, a brief history of tomorrow, au début de l’année, lors de mes longues attentes dans les aéroports en direction de la Nouvelle-Zélande. Ce gros bouquin de 300 pages vient d’être traduit en français. Je me suis dit que c’était le bon moment pour vous publier cet article, vous n’avez maintenant plus aucune excuse pour ne pas filer à la librairie !

Homo Deus remet les pendules à l’heure en proposant de manière très documentée des scénarios tout à fait envisageables (et déstabilisants) pour l’avenir de l’humanité. Le sujet semble pesant, pour autant le style de l’auteur est tel qu’on a l’impression de lire un roman. C’est complètement fascinant et captivant !

Avant de vous partager un petit aperçu, il me semble important de vous parler un peu de l’auteur, qui a également rédigé le best-seller Sapiens, a brief history of humankind. Raconté comme une histoire, ce premier tome reprend de manière très précise l’histoire de l’Homo Sapiens, de son apparition il y a 200 000 ans à l’homme moderne. J’avais beaucoup aimé cette lecture, très érudite et charmante à la fois. Yuval Noah Harari est un professeur d’histoire passionné. Il est persuadé que l’apprentissage de l’Histoire ne sert pas, selon l’idée communément répandue, à éviter de reproduire les erreurs du passé (car les situations et décisions d’il y a 10 ans ne sont déjà plus applicables aujourd’hui), mais plutôt à élargir son champ de vision en sortant d’un certain conditionnement et système de pensées hérités du passé. Je m’explique…

La petite histoire de la pelouse et le dé-con-ditionnement

Harari donne cet exemple de la pelouse que j’aime assez, et que je m’en vais vous raconter pour que vous vous couchiez moins bêtes. Vous avez certainement entendu tout l’été le ronronnement des tondeuses du voisinage et flairé cette douce odeur d’herbe fraîchement coupée. Toutes les maisons du voisinage d’ailleurs arborent une belle pelouse. Et que le dernier à passer la tondeuse et à tolérer des herbes folles devant sa maison soit damné en enfer ! Tout ça (la pelouse devant la maison, le fait même de penser que c’est joli, l’angoisse face à l’herbe qui repousse bien trop vite et à l’image de désordre, le sentiment de supériorité face au voisin qui se laisse un peu aller), c’est du conditionnement. La pelouse est un concept apparu dans les jardins des châtelains français et anglais à la toute fin du Moyen-Âge. À l’époque, pas de tondeuse. Simplement des domestiques pour entretenir délicatement l’herbe au ciseau. Fouiit fouiit fouiit (bruit du ciseau sur l’herbe mouillée) … Ça paraît laborieux hein ?

À l’époque, on reconnaissait la richesse et le pouvoir d’un noble au bon entretien de sa pelouse. Une herbe un peu trop haute signifiait que le pauvre homme avait perdu de sa superbe. La compétition moderne à peine dissimulée de celui qui a la plus grosse tondeuse est directement héritée de cette démonstration de puissance moyenâgeuse. Même chose pour l’aberration écologique que représentent les 100 000 m² de pelouse devant le Musée d’Art Islamique au Qatar. Maintenant que vous avez plongé dans l’histoire, n’appréhenderez-vous pas la pelouse et les « mauvaises herbes » d’une autre façon ?

Je trouve sa vision du travail de l’historien vraiment intéressante, elle explique en partie sa capacité à poser un regard neuf et interrogateur sur le monde d’aujourd’hui et à anticiper les enjeux de demain.

À ce stade, je pense avoir perdu la moitié du lectorat…  C’est donc aux plus bravaches (et dé-con-ditionnés) d’entre vous que je m’adresse pour aborder les questions essentielles !

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Homo Deus

Selon Harari, l’humanité court à sa perte pour deux raisons : la séparation des notions d’intelligence et de conscience, et l’idée majoritairement acceptée dans la communauté scientifique que tout n’est qu’algorithme. Que l’Homo Sapiens disparaisse, l’auteur n’en fait pas tout un plat. Après tout, des centaines d’espèces s’éteignent chaque année. C’est le cours normal de l’évolution. Harari attire cependant l’attention sur les décisions humaines d’aujourd’hui qui, à poursuivre leurs desseins humanistes plaçant l’individu au centre de tout, risquent de conduire à sa perte.

Tout n’est qu’algorithme

Depuis son apparition, l’homme n’a cessé d’accroître son pouvoir, que ce soit en se positionnant au-dessus de la chaîne alimentaire ou de tout autre organisme vivant, ou en éliminant les uns après les autres les fléaux qui le menaçaient. J’ai nommé la famine, les maladies et la guerre. Rien de tout cela n’est en fait totalement éradiqué, mais l’humanité dans son ensemble n’est plus directement concernée et peut s’atteler à de nouveaux objectifs, à savoir l’immortalité, le bonheur, et l’omnipotence (Homo Deus). Les sciences naturelles et informatiques coordonnent ainsi leurs efforts pour satisfaire ce qui aurait pu être qualifié il y a 100 ans de « folies », mais qui s’avèrent de plus en plus palpables au fur et à mesure que la recherche avance. Bienvenue à Gattaca n’a jamais été aussi plausible.

Pour mener à bien ces intentions, la Science est allée très loin dans le décryptage de l’humain. Elle est allée tellement loin, jusqu’à tellement petit, que l’homme, son panel d’émotions et sa prise de décision, sont désormais compris comme des algorithmes. Une émotion est par exemple un enchaînement extrêmement complexe de connexions neuronales, certainement induites par une décharge d’hormones et autres réactions chimiques. On traite par exemple la dépression en prescrivant des molécules qui interviennent directement sur ces connexions.

Cette croyance (qui s’avère être une vérité dans le domaine scientifique) implique qu’il sera un jour possible de choisir la personne que l’on souhaite être. Il suffira d’intervenir sur les connexions neuronales pour vivre et réagir comme on aura choisi d’être paramétré. Flippant hein ? Je vous laisse découvrir par vous-même les innombrables autres idées de l’auteur découlant de ce simple postulat : tout n’est qu’algorithme.

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Intelligence vs Conscience

Le moteur de recherche Google repose sur un algorithme très performant, capable de trouver pour vous les sites que vous recherchez en moins d’une petite seconde (faut se mettre à la fibre les gars !). Il sera peut-être bientôt possible de lui demander conseil sur vos deux courtisans, John et Paul. Grâce à vos objets connectés qui lui permettront d’avoir des informations sur votre activité cardiaque ou sur votre taux de sucre dans le sang, grâce à la connaissance de votre ADN et de celui de vos amoureux, et de vos centres d’intérêt à tous les trois, il pourra répondre avec certitude : « Tu seras bien plus heureuse avec John ». Il en saura bien plus que vous sur vos prétendants et mieux encore, sur vous-même.

Le GPS ultra-connecté qui vous demande de tourner à droite alors que vous auriez pris à gauche parce qu’il a repéré un accident, la notification sur votre téléphone relié à votre flux sanguin qui vous signale une carence en fer, la machine qui vous dit que ce métier de trader n’est pas fait pour vous parce que vous n’êtes pas du tout averse au risque, ou celle qui vous dit de choisir John alors que vous trouviez Paul beaucoup plus mignon… Il faudrait être fou pour ne pas les écouter ! Ne parlons même pas du droit de vote qui deviendrait inutile. La machine sait mieux que nous ce qui est le meilleur, et n’est pas influencée par de la propagande ou une humeur un peu chagrine le jour du scrutin…

La machine est intelligente. Plus que nous. Et l’écart ne fera que s’agrandir avec le temps. La communauté scientifique aujourd’hui sanctifie cette intelligence, au détriment de la conscience qui, disons-le, n’est pas rentable. La machine, elle, n’a pas de conscience. Elle ne peut pas tomber amoureuse, être distraite, ou frémir devant un lever de soleil. Qu’arrivera-t-il donc, quand l’homme ne sera plus qu’une donnée de plus pour ces machines avides d’informations et de « data » ? Si le critère choisi pour célébrer l’évolution est l’intelligence, indubitablement l’homme sera inférieur à la machine. La machine nous traitera-t-elle comme nous traitons les animaux aujourd’hui ? Comme une simple ressource dont on peut disposer ?

Pour conclure : courez en librairie !

Tout comme pour son premier ouvrage, Sapiens, que j’avais beaucoup aimé, Yuval Noah Harari signe un livre brillant. Il s’agit d’une lecture atrocement perturbante mais nécessaire, et qui laisse beaucoup de place au questionnement et à l’interprétation. Si notre mode de fonctionnement actuel n’est pas repensé, nous allons droit dans le mur. Il est précieux d’avoir accès à cette réflexion qui souligne les véritables enjeux, trop peu pointés du doigt par les grands médias.

Retrouvez les petits trésors de Yuval Noah Harari ici :

J’aimerais beaucoup avoir votre retour sur cette lecture, qu’en avez-vous pensé ?  

***Céline***

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9 commentaires sur “Homo Deus de Yuval Noah Harari, chronique d’une mort annoncée

  1. Tous ces scénarios me terrifient, je ferais tout pour ne pas vivre ça, pour ne pas que tout ça se produise. Quand j’ai lu les articles concernant les futures avancées technologiques du siècle, je commençais déjà à avoir très peur car je voyais déjà tout ce que des antités plus intelligentes que l’homme pourraient décider d’en faire.J’ai décidé de partager cet article sur facebook, mais je pense que bientôt, je m’en désinscrirait, et maintenant je n’utilise plus google comme moteur de recherche car je ne veux plus que mes données soient récoltées. En fait je crois qu’aujourd’hui on a deux possibilités de monde futur, l’un étant celui que ce livre nous prédit et l’autre un monde plus basé sur nos anciens modes de vie, mais pour ça il faudrait que l’humain accèpte de ne plus rechercher, de ne jamais connaître les réponses à ses questions. J’espère de tout mon coeur que c’est possible.

  2. Il a l’air intéressant ce bouquin. Mais our la grosse flippée de la vie que je suis je ne pense pas que je vais le lire même si je sais que c’est une fiction…Lol

    1. Coucou Véro ! Ce n’est pas du tout une fiction, mais bien le travail colossal d’un historien qui nous livre sa vision des probables scénarios pour l’avenir. C ‘est très riche, je te le conseille vivement ! Je suis également une flippée de la vie, mais je pense qu’il ne faut pas se masquer les yeux et voir plutôt où l’on va pour orienter la direction !

  3. Malheureusement je n’ai pas le temps de lire de suite ce livre qui m’a l’air passionnant. Merci pour le compte-rendu. Mais il n’est pas encore trop tard pour inverser la courbe. Du moins j’ai envie d’y croire, à titre perso je fais tout pour.

    1. J’y crois aussi. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Il faut juste avoir conscience que tout repose sur nous, individus. Il ne faut pas attendre passivement que la « société » évolue, tout commence par nous ! Merci d’être un acteur du changement 🙂

  4. merci pour cet article, j’espère pouvoir lire bientôt ce livre

    1. J’espère qu’il te plaira !

  5. Coucou Céline,

    Plus je lisais ton article plus je prenais conscience de la vie que nous laisserons derrière nous à nos enfants. Triste réalité.. même si ce n’est que des probabilité, je pense que l’humain est capable d’être dépassé un jour par ses propres créations.
    Je vais de ce pas passer en librairie me procurer son livre, merci encore une fois pour cette belle découverte.

    Bonne journée et à bientôt

    1. Je t’en prie, je pense que c’est un discours à mettre entre toutes les mains. Hâte de savoir ce que tu en as pensé !

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