La fast fashion se la joue green

fast fashion conscious

Vous le savez, voilà maintenant plusieurs années que j’ai fait le choix de me tourner vers une mode plus responsable. Ce choix s’est accompagné d’un intérêt tout nouveau pour des marques qui s’engagent, et d’un sentiment de déception profond envers les grandes enseignes de la fast fashion qui m’avaient vu faire tant de folies jusque-là. J’y avais trouvé des trésors à petits prix que j’aimais beaucoup, mais voilà : ça ne correspondait plus à ma charte de la lookée consciencieuse (retrouvez l’article ici). Découvrir toutes ces petites marques engagées m’a redonné de l’espoir, j’allais pouvoir continuer à dénicher des trésors… mais pas à petits prix. Il allait falloir repenser ma façon de faire du shopping. Et puis j’ai appris que certaines grandes enseignes, sous couvert de collections « conscious », adoptaient des réflexes écoresponsables. Était-ce là la solution ?

Fast fashion et vision à long terme

Obsolescence programmée et réduction des coûts

Chaque année, et ce depuis quinze ans, H&M publie un rapport sur sa stratégie écoresponsable. « Nous avons toujours privilégié une vision à long terme. Les solutions à court terme ne conduisent pas à des changements durables1« We always take a long-term view instead of choosing short-term solutions that don’t lead to lasting change », H&M Group Sustainability report 2016. », écrit Karl-Johan Persson, CEO, dans le dernier rapport publié.

Cette déclaration pourrait porter à rire. Le succès de H&M repose en effet avant tout sur l’obsolescence programmée des vêtements et des tendances. Et d’aucuns savent qu’obsolescence programmée ne fait pas bon ménage avec vision sur le long terme. Me trompé-je ?

H&M est un des acteurs principaux de la fast fashion, cette stratégie de vente qui fait tourner les collections à toute allure, jusqu’à une nouvelle collection par semaine. Bien loin du renouvellement de collection semestriel, cette stratégie impose de produire à un rythme effréné pour suivre les tendances. Elle implique également de gros volumes de production, aux alentours de 600 millions de pièces chaque année pour H&M. Ce volume de production considérable induit nécessairement un questionnement sur le caractère limité des ressources de la planète. Encore une fois, il faut chercher le lien entre épuisement des ressources et vision à long terme.

Rappelons-le, l’industrie de la mode est l’industrie la plus polluante au monde derrière celle de la pétrochimie. Les grandes enseignes de la fast fashion, H&M et Zara en tête de peloton, y sont bien sûr pour beaucoup. Ils participent, comme bien d’autres acteurs, à la délocalisation de la production dans des pays asiatiques pour minimiser les coûts : conditions de travail parfois proches de l’esclavage, travail des enfants, pollution des sols et des eaux. Ils participent également au développement des matières synthétiques issues de la pétrochimie, toujours dans une logique de réduction des coûts. Réduction des coûts et vision à long terme ne font pas spécialement bon ménage elles non plus, n’est-ce pas ?

Un business model insoutenable

Le business model suivi par H&M et Zara ne peut pas être écoresponsable, car il est intrinsèquement insoutenable. Il repose sur une vision court-termiste de l’optimisation de la marge et du profit avant tout. La production de 600 millions de vêtements par an ne peut pas être responsable, tout comme la sortie d’une nouvelle collection par semaine pour coller aux tendances.

Pour agir dans le bon sens, il faudrait que les acteurs repensent ce business model basé sur l’idée de la croissance infinie. Et on sait aujourd’hui que cette idée est délirante, que les ressources sont limitées, que la biodiversité étouffe et que les inégalités se creusent.

Les actions menées depuis 15 ans par H&M sont-elles de la poudre aux yeux purement marketing, ou s’inscrivent-elles dans une démarche sincère ?

Une stratégie marketing ?

Des collections « conscious »

H&M est un des pionniers de la fast fashion à proposer une collection se voulant ecofriendly : H&M Conscious. Zara, comme bien d’autres acteurs du secteur, a suivi depuis peu avec sa collection Join Life. Ces collections mettent l’accent sur les matières recyclées et les matières naturelles écoresponsables, comme le coton bio, le lin ou le lyocell.

Recycler pour mieux produire

Le recyclage est d’ailleurs l’un des fers de lance de la stratégie green de H&M. La majorité des vêtements proposés dans la collection est issue de chutes de tissus, du recyclage du plastique ou d’anciens vêtements auxquels on donne une seconde vie. L’enseigne propose ainsi à ses clients de déposer les vêtements dont ils n’ont plus l’utilité dans des bornes prévues à cet effet dans les magasins. Depuis 2013, cette collecte leur a permis de récupérer près de 39 000 tonnes de vêtements, soit près de 196 millions de T-shirts2H&M Group Sustainability report 2016, page 10. Le groupe finance également de nombreux projets de recherche sur le développement de nouvelles méthodes de recyclage plus propres.

Le recyclage est une solution intéressante au problème de l’épuisement des ressources. C’est une excellente carte à jouer pour les enseignes de la fast fashion qui veulent produire toujours plus en ayant toujours moins de ressources. Au lieu de foncer droit dans le mur, utiliser ce qui existe déjà paraît plutôt raisonnable.

L’environnement au cœur des stratégies green

Les marques font également de nombreux efforts sur les fibres textiles utilisées dans leurs collections green. Aujourd’hui par exemple, 43 % du coton utilisé par H&M est labellisé bio. L’enseigne prévoit même de passer au 100 % coton bio d’ici 20203H&M Group Sustainability report 2016, page 10. L’utilisation de telles fibres permet un respect accru des terres de culture et limite le rejet de produits chimiques dans les eaux, elle permet également de réduire l’exposition des travailleurs aux engrais toxiques.

Le respect de la planète et de l’environnement est aussi mis en avant dans la collection Join Life de Zara. Les vêtements sont fabriqués avec une technologie favorisant l’économie d’eau, dans des usines utilisant des énergies renouvelables.

fast fashion

Pour l’éthique, on repassera

Ces collections « conscious » sont, certes, des efforts notables de la part des grandes enseignes, mais restent encore anecdotiques à l’échelle de leur production globale. Comme on l’a dit, sans une refonte de leur business model, tous les plus beaux efforts du monde resteront vains et insensés tant que le but sera de produire toujours plus et le plus vite possible.

Et c’est par la volonté de mener de front ces deux aspects que le bât blesse. Car si H&M et Zara font des efforts pour la planète, c’est au détriment des efforts qui pourraient être faits auprès de ces personnes invisibles et si discrètes qui confectionnent nos vêtements. Les vêtements de ces collections green sont fabriqués, comme le reste, en Asie. Dans des pays où les conditions de travail ne sont pas souvent acceptables et où les salaires ne sont pas suffisants pour vivre décemment. Ces conditions épouvantables restent les mêmes avec du coton bio.

Consomm’acteurs

Le ratio prix/valeur

Maintenant que nous savons, que faire ? Boycotter ces collections green parce qu’elles sont l’œuvre du démon, ou encourager ces initiatives ? Encore une fois, chacun est bien libre d’agir comme il le souhaite et selon son âme et sa conscience (et ses moyens). Ce qui nous rassemble tous néanmoins, c’est notre capacité à faire évoluer les choses par nos choix. Car si H&M et Zara proposent une nouvelle collection par semaine, c’est bien parce que nous sommes là pour les aider à réaliser un bon retour sur investissement. À nous donc d’orienter la barque.

Un point que nous n’avons pas abordé jusqu’à présent et qui pèse énormément dans notre prise de décision : les prix bas. Avec les collections green H&M et Zara, il est facile de s’habiller plus « écologique ». Ça ne revient même pas plus cher, à vrai dire. Les gros volumes de production et la délocalisation permettent de proposer des pièces en coton bio et lyocell à des prix très abordables. C’est, encore une fois, le prix à payer pour des prix bas. C’est pour ce genre de décisions que le ratio prix/valeur dont je vous parlais ici est bien utile !

Craquer avec raison

En ce qui me concerne, je suis résolument décidée à soutenir un savoir-faire local pour une mode plus respectueuse à la fois des hommes et de la planète. Faire une croix sur un de ces principes revient à choisir entre Charybde et Scylla. Cependant, piocher une ou deux pièces dans ces collections peut aider à agrémenter un look et à apporter un peu de diversité à sa garde-robe en limitant le budget mode. C’est important de se sentir bien dans ses vêtements. Je pense que c’est une étape essentielle de la confiance en soi, rien que ça. Si ces collections permettent d’y contribuer, alors il ne faut pas hésiter. En restant raisonnable et modéré, bien sûr.

Ces collections peuvent également servir de transition à ceux qui auraient un peu peur de soutenir une mode plus responsable au détriment du style ou du budget. Il y a pas mal de choix et beaucoup de jolies choses, allez donc y jeter un œil ! Privilégier ces collections, c’est déjà une pratique de consomm’acteur et un pas vers un monde plus soutenable !

Et vous, est-ce que vous allez craquer avec raison ?

Céline

fast fashion conscious

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T-shirt Zara, collection Join Life, coton biologique ; Jean H&M, collection H&M Conscious, coton biologique et recyclé ; Sneakers Ethletic, coton biologique et gomme issue de cultures gérées durablement sans pesticide ni produit chimique, fabriquées en Asie dans le respect de l’être humain


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Références

Références
1 « We always take a long-term view instead of choosing short-term solutions that don’t lead to lasting change », H&M Group Sustainability report 2016
2, 3 H&M Group Sustainability report 2016, page 10

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